De la causalité esprit-matière...

Bonjour et bienvenue sur ce blog

Si vous refusez comme moi la nécessité scientifique d'un monde absurde ;

Si vous n'acceptez pas que le hasard soit considéré comme une cause agissante ;

Si vous tentez d'imaginer que notre monde (non restreint à l'univers observable) est causal mais que vous tenez aussi à votre libre-arbitre ;

Si vous n’aimez pas faire intervenir de façon trop triviale un Dieu à la volonté insondable pour expliquer ce qui vous échappe ;

Si ce que je vous dis ici vous parle ;

Alors soyez les bienvenus :

nous sommes sur la même longueur d'onde pour tenter d'imaginer, ensemble, autre chose réconciliant ce que nous proposent la science et la religion d'aujourd'hui dans leur opposition manichéenne.


Patrice Weisz

6- L'esprit de la matière


Dualisme matérialiste
Un jour, au cours de mes lectures, je suis tombé sur la phrase :

"La conscience nait de la complexité des systèmes"
Cette phrase caractérisant typiquement la pensée matérialiste a été une révélation. J'étais encore élève ingénieur avec comme spécialité la recherche en intelligence artificielle. Cette affirmation s'opposait au point de vue idéaliste qui soutient que tout n'est qu'esprit. Elle recentre la conscience comme étant une propriété émergente de la matière.
Quand on écrit des programmes ayant pour but d'essayer de faire penser des machines, on ne peut qu'être matérialiste. Des années après, je me dis qu'il y a une grande part de vérité dans cette phrase, et en même temps mon point de vue a évolué. Mais cette phrase veut aussi dire ceci :
si on réunit de façon organisée un suffisamment grand nombre d'éléments ayant suffisamment d'intéractions entre eux on donne naissance à une conscience, et ceci quelque soit la nature des éléments en présence.
Or la conscience est ce dont on peut le moins douter de tout ce qu'il nous est donné de connaître donc forcément cette assertion minimaliste est la plus petite compromission nécessaire pour en reconnaître l'existence d'un point de vue matérialiste. Sinon on est obligé de lui trouver une origine autre et on quitte alors le matérialisme le plus strict.
De la même façon on peut faire de la conscience une spécificité humaine, mais alors dans ce cas on attribue également soit à l'homme soit à son réseau neuronal des propriétés quittant le cadre strict de la matière et du coup la position matérialiste devient incohérente. Donc la généralisation à autre chose que l'être humain est incontournable.
Donc le matérialisme reconnait l'existence de la conscience et en trouve l'origine dans l'organisation de la matière.
Je garde ici volontairement le point de vue matérialiste car les autres point de vue reconnaissent à priori le dualisme corps-esprit voire que l'esprit. Le matérialiste, quant à lui, réduit tout à la matière, à l'exclusion de tout autre substance possible.
Cette assertion s'applique aussi bien à des éléments organiques qu'inanimés. Cela s'applique aussi bien aux neurones de notre cerveau qu'à l'ensemble de la race humaine, qu'à la Terre entière, et à La Voie Lactée notre galaxie. Cela s'applique donc à fortiori à la totalité de notre univers. Mais j'y reviendrais, car je voudrais en discuter en profondeur et ne pas l'avancer comme un fait établi.
Par contre ce qui me gêne aujourd'hui dans cette assertion et que je n'avais pas constatée il y a quelques années, c'est l'aspect spontanée de naissance de la conscience à partir d'un système. Jusqu'ici je n'y avais guère prêté attention, heureux de trouver dans une certaine configuration de la matière la possibilité d'émergence de la conscience.
Il faut au préalable distinguer la notion de conscience de la notion d'esprit.
La conscience c'est la capacité d'un être doué d'esprit à prendre connaissance de lui-même. Cela suppose d'avoir dépassé un seuil critique permettant l'auto-réflexion , c'est à dire d'avoir acquis la capacité à se regarder en tant que sujet pensant. C'est donc d'avoir atteint le seuil du cogito de Descartes. Je ne parlerais pas ici d'ontogenèse ni de structuralisme mais on sent bien que cela vient d'un processus de maturation, de complexification, obtenu à partir d'un état antérieur primaire. Donc la conscience ne peut jaillir spontanément comme pourrait le sous-entendre cette assertion.
Il faut qu'il y ait au préalable des pensées rudimentaires à complexifier, une pré-conscience.
L'enfant n'a pas de conscience au premier stade, par contre il est doué d'une volonté, même diffuse. Et ce n'est qu'une fois que le langage structurant aura apporté son lot informatif non présent génétiquement, l'acquis, que son réseau neuronal sera enrichi jusqu'à dépasser le seuil critique nécessaire à l'apparition de la conscience réflexive, c'est à dire de ce sujet se regardant. La conscience humaine est le système leplus complexe que l'on connaisse et le plus riche sur le plan informatif (au sens de la théorie de l'information). Et la quantité d'informations qu'il contient (inverse de l'entropie) est la somme de l'information génétique et de l'information linguistique codifiantes. Donc il n'y a pas changement de qualité ou de nature lors du passage de l'esprit "primaire" à celui de l'esprit conscient, car l'acquisition du savoir se fait lentement.

Le passage de l'esprit à la conscience est un transition d'état mais pas un changement de qualité.
De la même façon la conscience d'un système complexe ne peut advenir que si ce système est au préalable doué d'esprit, afin que logiquement il n'y ait pas jaillissement spontané d'une entité d'une autre nature, mais glissement progressif vers l'état de conscience. Le système dans un état inférieur n'est pas doué de conscience puis en se complexifiant glisse progressivement vers l'état de conscience.
Donc si on estime que cette assertion est juste, il faut que le système possède au préalable une parcelle d'esprit, afin d'éviter cette génération spontanée.
Et donc la seule façon de maintenir ce constat avec le point de vue matérialiste, c'est d'imaginer que ce système a au préalable de l'esprit à complexifier mais que cet esprit n'a pas d'existence phénoménal, tout comme l'esprit humain qui n'a ni masse ni étendue, ni quantité mesurable en dehors de son système physique neuronal.
Nous avons vu que la complexité venait du nombre d'individus et du nombre de relations entre eux. Donc pour augmenter la complexité d'un système, il faut que j'ajoute un élément en le mettant en relation avec les autres ou que j'ajoute une relation entre des éléments présents.
Si je prends un neurone isolé d'un cerveau conscient, est-il doué de conscience ? Là le point de vue holistique intervient. Assurément non : le tout est plus que la somme de ses parties. La conscience réside simultanément dans les individus du réseau mais aussi dans leurs intéractions. Par contre est-il doué d'esprit ? Forcément oui car de par ce qui précède, à l'état primaire il y a obligatoirement de l'esprit à l'origine pour que l'ontogénèse de la conscience puisse se faire. La complexification du réseau pour qu'il n'y ait pas génération spontanée de la conscience doit pouvoir se faire à partir du premier élément en ajoutant les autres progressivement. Donc l'esprit est en chacun des individus de sa complexité dès le premier. Il faut voir ici l'esprit comme étant le matériau non matériel dont est fabriquée la conscience. Evidemment si je ne fais que juxtaposer des neurones sans liaisons entre eux, la conscience n'apparaitra pas non plus. Et si je rajoute progressivement les liaisons neuronales à un ensemble de neurones juxtaposés, la conscience apparaitra progressivement aussi. A ce stade il n'est pas besoin d'attribuer une réalité de nature à l'esprit qui reste encore contestable. Il faut néanmoins voir que cette naissance de la conscience ne peut se faire de façon spontanée à partir de rien ne permettant de la constituer. Donc tout élément de matière est d'une façon ou d'une autre aussi constituant potentiel de conscience. Et si la conscience est d'une autre nature que la matière, c'est à dire de nature spirituelle, alors chaque élément de matière est aussi parcelle d'esprit.

En conclusion :
A partir du moment où le matérialisme reconnait que c'est de la complexité des systèmes que nait la conscience, cela
induit que tout élément matériel d'un système est aussi parcelle d'esprit.

Ma démonstration a été vraisemblablement laborieuse, mais j'ai obtenu un élément clé pour la suite afin de montrer que tout élément de matière est aussi matériau d'esprit. Si on est purement matérialiste, alors on ne reconnait pas la réalité de cette substance esprit, par contre et je tenterais de le montrer plus tard, si on estime que l'esprit est une substance réelle, différente de la matière et ne résidant pas dans le monde des phénomènes, la conscience est alors composée progressivement à partir d'une substance spirituelle, déjà là, intiment reliée à l'organisation de la matière.
C'est existence de la substance esprit liée à la substance matière est une nécessité pour reconnaître la réalité de la conscience.
Le lien unissant la substance-esprit et la matière est alors un lien de causalité élargie, allant du monde réel vers le monde physique, permettant, si conscience il y a, à celle-ci d'agir sur la matière. C'est cette causalité qui permet à ma volonté s'exerçant mon bras de le déplacer.


Patrice Weisz

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