Invisibilité de la cause
Visibilité des effets
La pomme tombe de l'arbre sur la tête de Isaac Newton. La légende raconte que ce choc, en interrompant sa sieste, lui donna l'intuition de l'existence de la force gravitationnelle.
La terre attire la pomme, mais la pomme aussi attire la terre, avec une force proportionnelle à chacune des deux masses et inversement proportionnelle au carrée de la distance qui les sépare.
Isaac Newton trouva là une des 4 forces fondamentales de la physique, la loi d'attraction universelle. Ces quatre forces sont en train d'être unifiées en une seule superforce par la recherche en physique théorique.
Mais cette force ne peut être observée. On ne peut qu'en observer les effets.
Les forces de la physique sont invisibles.
La cause de la chute de la pomme est invisible, seul l'effet est observable.
Il faut donc bien préciser le sens de la relation de cause à effet :
La cause est la force de gravitation, l'effet est la trajectoire suivie par la pomme pour tomber.
En relativité générale, Albert Einstein montre que la masse courbe l'espace-temps. Ce qui fait que la notion de force d'attraction classique revient à une déformation de l'espace-temps.
Du coup la trajectoire de l'objet attiré suit une "géodésique" de l'espace-temps. Dans un espace déformé par une masse, le chemin naturel suit les déformations de la géométrie.
Là encore, la déformation de l'espace-temps n'est pas observable.
On ne peut qu'observer la forme des trajectoires des objets qui s'y déplacent. L'espace ainsi déformé ne peut se voir directement ; ce n'est pas un substrat ni une fine feuille élastique, c'est la présence des masses qui détournent les trajectoires. Et la description mathématique de ce détournement s'interprête comme une déformation locale faite à partir d'un espace plat de référence. Pour la dimension temporelle, c'est la même chose, le temps n'est pas une ligne physique, le temps se déforme, se dilate par la présence de masses, la mesure des intervalles de temps en est modifié.
L'espace-temps n'est pas une substance, c'est une géométrie.
Ce n'est pas non plus un contenant, c'est un système de relations d'ordre entre des objets.
Dans l'espace, c'est la mesure de la distance séparant deux corps qui définit l'espace entre eux. L'espace n'existe pas sans les éléments qui le peuplent.
De la même façon le temps est défini par la distance (la durée) séparant deux événements. Le temps n'a pas de sens si aucun évènement n'y survient. Le temps n'existe pas seul.
On ne peut que lui donner une définition mathématique. On ne peut qu'observer les effets de cette déformation modélisée mathématiquement. L'espace-temps est une notion mathématique, non un être "réel".
C'est cette notion qui nous permet de situer les événements observés. C'est cette notion qui permet de nommer ce que l'entendement perçoit de notre réalité sensible.
Dans les théories faisant intervenir des particules, comme en physique quantique, l'attraction gravitationnelle est modélisée à l'aide d'une particule élémentaire : le graviton qui transmet la force gravitationnelle. Cette particule est une représentation pas encore très bien définie à l'heure actuelle, dont aucune trace n'a été observée, mais qui trouve sa place dans la cohérence du tableau des particules. C'est le modèle standard qui définit que la matière est formée de petits grains, les Fermions (ex: électron) et que les forces sont transmises par d'autres particules les Bosons Vecteurs (ex : photon).
Dans la théorie des supercordes, la force de gravitation est causée par de toutes petites cordes vibrantes, dont les tailles et les propriétés sont fixées pour être compatible avec les observations.
Ces petites cordes sont encore loin de faire l'objet d'expériences, mais trouvent leur nécessité dans la cohérence mathématique de l'ensemble.
Nous venons donc de voir qu'un même phénomène acceptait plusieurs modélisations mathématiques possibles.
En fait, les causes étant invisibles, n'importe quel modèle mathématique permettant de simuler le comportement des phénomènes observés fait l'affaire. Un modèle est pertinent à partir du moment où il est compatible avec l'ensemble des observations effectuées. Si en plus il permet de faire des prévisions sur des phénomènes non encore observés, et que des expériences peuvent être menées pour tester sa compatiblité avec des observations à venir, il peut avoir alors le statut de théorie physique. Une théorie physique doit être falsifiable (selon la définition de Karl Popper), c'est à dire que l'on doit pouvoir imaginer une expérience permettant de l'invalider ou de la confirmer.
Elle doit donc pouvoir être réfutable pour être scientifique.
On ne peut pas faire mieux pour s'assurer qu'une théorie est valide.
Cela pose la question de la quantité finie d'observations effectuée par rapport à la quantité infinie d'observations possibles.
On ne peut jamais être sûr qu'une théorie a les mailles de son filet suffisamment serrées pour ne pas laisser échapper le gros poisson qui remettra tout en cause. La physique essayant de coller à l'observation est nécessairement empirique.
Il y a toujours une infinité de théories possibles passant par un nombre d'observations inévitablement fini.
Jusqu'ici, tous les chats que j'ai vus étaient noirs, puis-je en déduire que tous les chats sont noirs ? Puis-je trouver une loi mathématique justifiant de façon cohérente qu'un chat, de par sa nature animale, sa taille et son comportement, est nécessairement noir ?
La théorie reste valide jusqu'à tomber sur une observation qui la contredit. En d'autres termes on ne peut que mesurer la validité d'une théorie avec l'observation.
En aucun cas on ne peut affirmer qu'une théorie est "vraie".
On ne peut qu'affirmer qu'elle n'a jamais été mise en défaut.
Plus une théorie est facile à vérifier et plus elle permet de prédire de nouvelles observations alors plus elle est acceptée par l'ensemble de la communauté scientifique. Si de surcroît elle permet de généraliser, d'englober ou d'intégrer d'autres théories la précédant, alors c'est une bonne théorie.
Entre deux théories ayant le même pouvoir explicatif, les scientifiques choisissent toujours la plus simple pour des question de bon sens, selon le principe du rasoir d'Occam. Guillaune d'Occam formulait ainsi son principe :
"les entités ne doivent pas être multipliées par delà ce qui est nécessaire".
C'est cela qui rendit célèbre la relativité d'Einstein : avec peu d'équations et une nouvelle façon de voir les choses, cette théorie expliqua un grand nombre de phénomènes et permet d'en prédire beaucoup d'autres, que l'on commence d'ailleurs à observer au fur et à mesure que les techniques de mesures évoluent. Le trou noir est un exemple de phénomène prédit en relativité générale qui attendit des dizaines d'annés avant d'avoir pu être observé.
C'est cela qui fonde la démarche scientifique.
La science n'a que la prétention de décrire ce qui est observable.
Et pourtant elle doit faire des suppositions sur ce qui n'est pas observable.
Or ce qui est marquant, c'est que les causes elle-mêmes ne sont pas observables !
Aucune force, aucune particule n'est observable !
Dans les accélérateurs de particules, on fait passer celles-ci dans des chambres à bulles pour qu'elle laissent des traces de leurs passages. On observe donc, non pas les particules, mais l'effet de leur passage sous forme de magnifiques trajectoires graphiques.
Donc rien ne prouve que la nature des particules puissent avoir un quelconque rapport avec le modèle mathématique servant à modéliser leur comportement.
L'atome a été imaginé par les grecs qui pensaient que la matière était constituée de minuscules grains de matières insécables. Puis ensuite on a imaginé ces petits grains comme des systèmes célestes, avec au centre le noyau, constitué de protons et de neutrons, et en orbite, des électrons.
La vision particulaire a conduit à imaginer par la suite que ces composants ultimes de la matière
étaient eux-mêmes constitués de particules encore plus petites : les quarks. Ce modèle a permis de prédire d'autres particules dont certaines ont pu être mises en évidence dans les laboratoires.
L'atome lui-même a ensuite été modélisé sous forme d'onde pour expliquer les phénomènes d'interférence observés lors de nouvelles expérimentations.
Lors de l'expérience des fentes de Young, les particules donnaient l'impression de passer dans deux fentes à la fois ce qui n'est pas possible pour un seul corpuscule, mais tout à fait possible pour une onde.
Ceci a donné au statut de la particule une double identité onde-corpuscule apparemment contradictoire mais permettant d'expliquer la dualité des comportements selon les expériences menées.
D'imaginer les particules comme des petites cordes permet de résoudre ce problème. Ce n'est pas pour autant que les particules sont des petites cordes. Si on imagine que se sont des petites cordes, alors cela est simplement compatible avec les différentes observations effectuées. Mais ces cordes n'ont pas d'épaisseur. On passe du point mathématique à la ligne mathématique. Les cordes sont des segments de ligne, des continuités de points sans dimension.
La particularité même des théories des cordes est qu'il existe une infinité de théories possibles.
La difficulté actuelle des physiciens étant de trouver des critères pour réduire cet ensemble engendré par la profusion des objets mathématiques.
Le modèle est loin de la réalité. Le modèle est inévitablement soumis à des mutations ou des changements au fur et à mesure des progrès menés.
Le modèle utilisé dépend aussi de l'arsenal mathématique disponible, donc de l'imagination des mathématiciens et de leurs axes de recherche. La théories des cordes n'aurait pas pu être imaginée avant que les outils mathématiques en suggérant les concepts aient été inventés.
Le physicien pioche dans le corpus mathématique pour essayer de trouver l'outil lui permettant de modéliser au plus près les phénomènes qu'il observe. Si l'outil se manie aisément il a de la chance, sinon la théorie reste obscure. C'est le cas en physique quantique, ou les objets mathématiques utilisés, des lois de répartition de probabilités, assimilées à des fonctions d'onde, sont éloignés du sens commun.
Ce qui pose le problème de l'interprétation.
Les physiciens tentent de donner une "réalité" aux concepts mathématiques utilisés dans leurs modèles. Mais les mathématiques sont un outil de calcul et de modélisation formel, n'ayant aucune signification dans le monde observable. Ils servent à modéliser des phénomènes, non à modéliser la réalité.
Ce qui fait que toute interprétation est nécessairement abusive, comme le montre l'évolution des théories et la possibilité d'utiliser plusieurs concepts différents pour rendre compte des mêmes comportements.
En conséquence, chaque fois que le modèle mathématique est pris pour la réalité, il y a l'introduction d'une croyance non étayée par l'observation.
La réalité n'est pas observable.
Le modèle mathématique n'est pas la réalité, il n'est qu'un outil de modélisation.
Ce qui cause les phénomènes n'est pas observable, seuls les phénomènes le sont.
Les causes sont en dehors du monde des phénomènes, sont donc en dehors de l'espace-temps sensible.
les particules sont invisibles,
les ondes sont invisibles,
les supercordes sont invisibles,
l'espace est invisible,
le temps est invisible.
Tous les objets utilisés pour décrire le fonctionnement du monde observable sont des abstractions mathématiques n'ayant aucune réalité tangible. Poser qu'ils sont la réalité revient à affirmer une croyance, d'ordre métaphysique, sur la nature du monde réel.
C'est revenir à l'idéalisme platonicien et donc de postuler que la réalité en dehors des phénomènes est faite d'objets mathématiques.
Le mot "nomme" l'objet mais n'est pas l'objet. Le signifiant n'est pas le signifié.
De la même façon, l'objet mathématique modélise quelque chose mais n'est pas la chose modélisée.
Ce qui ne veut pas dire non plus qu'il n'y pas de réalité. Les phénomènes ont nécessairement une cause, mais cette cause n'est évidemment pas phénoménale.
La matière est un phénomène.
Elle est donc l'effet de forces invisibles, qui ne sont pas la matière elle-même. Les causes ne sont pas matérielles, elles sont en dehors de la matière.
La matière est faite d'énergie, donc de mouvements et de vide. Est-ce finalement une substance ?
Pour reprendre les paroles d'Albert Einstein :
«La matière peut donc être conçue comme étant constituée des régions de l’espace où le champ est extrêmement dense. Dans la physique quantique, il n’y a pas de place pour les deux: la matière et le champ, car le champ quantique est la seule réalité. Le champ est un continuum. Il est présent partout, à l’infini dans toutes les directions de l’espace. Si nous voulons penser en termes de particule, nous devons la considérer comme un défaut ou une discontinuité dans la structure du champ.»
Le champ magnétique est le champ le plus facile à se représenter.
L'aimant possède un champ magnétique.
Ce champ est invisible, mais il a des propriétés observables.
Si je jette de la limaille de fer autour d'un aimant, celle-ci va s'organiser en formant des lignes de force courbes partant des deux extrémités de l'aimant.
Si j'essaie de coller ensemble deux aimants, je vais sentir une force soit attractive soit répulsive.
Le champ c'est cela.
Si je tente de soulever une enclume je vais sentir son poids s'exercer. C'est la force d'attraction du champ gravitationnel.
La réalité est un "champ de force", elle ne contient aucune substance de matière.
La matière est elle-même une déformation très condensée de ce champ. La matière n'existe pas "réellement".
La matière se modélise comme un assemblage de petits éléments vibrants, particules ou cordes qui ne sont finalement que des singularités du champ, non observable. Et le champ est décrit par les forces de la physique sous forme de relations mathématiques entre les singularités.
Le champ est une seule entité, dont les particules ne sont que des déformations.
En relativité, le trou noir n'est pas un objet dans l'espace-temps ; il est une déformation locale de l'espace-temps. Il en va de même pour les particules.
La matière est vide, elle n'est pas une substance.
Il n'y a pas d'objets indépendants, que des configuration locales particulières, immobiles ou en déplacement.
Un champ sans force, plat, est un vide absolu, sans énergie, sans mouvement.
Mais l'observation nous montre des phénomènes, une organisation.
Donc le champ n'est pas vide, il contient du mouvement. Si ce mouvement est totalement désordonné, c'est le vide quantique, uniquement fluctuant.
Si le vide contient de l'ordre, alors il y a des structures apparentes. On parle alors de matière, d'énergie, de forces.
L'univers sort du vide, l'univers s'organise de plus en plus. Ou plutôt, le mouvement déjà contenu dans le vide quantique, est organisé petit à petit par une force.
L'univers est vide de toute substance autre que le mouvement. La quantité de mouvement se préserve, simplement le mouvement s'organise en créant des régularités, des singularités observables. Les mouvements qui "déforment" le champ sont la cause des phénomènes dont la matière fait partie.
L'univers est un champ unifié, dont certaines structures émergent.
La seule question restant finalement est : Quelle est la cause de cette modification du champ ?
Quelle est la nature de cette cause qui donne forme au vide ?
Quelle est la nature de cette force non matérielle qui ordonne le mouvement ?
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