De la causalité esprit-matière...

Bonjour et bienvenue sur ce blog

Si vous refusez comme moi la nécessité scientifique d'un monde absurde ;

Si vous n'acceptez pas que le hasard soit considéré comme une cause agissante ;

Si vous tentez d'imaginer que notre monde (non restreint à l'univers observable) est causal mais que vous tenez aussi à votre libre-arbitre ;

Si vous n’aimez pas faire intervenir de façon trop triviale un Dieu à la volonté insondable pour expliquer ce qui vous échappe ;

Si ce que je vous dis ici vous parle ;

Alors soyez les bienvenus :

nous sommes sur la même longueur d'onde pour tenter d'imaginer, ensemble, autre chose réconciliant ce que nous proposent la science et la religion d'aujourd'hui dans leur opposition manichéenne.


Patrice Weisz

25- Conscience et mémoire


Pas de conscience sans mémoire.
Pas de mémoire sans conscience.


La conscience de l'homme, dont le réseau neuronal est le support matériel, n'est pas innée.

Elle émerge progressivement. Le code génétique contient l'inné de l'homme, son "animalité", ses comportements instinctifs. La dualité de l'homme réside dans sa double nature, à la fois animal et social. Le coté social est culturel, c'est l'acquis. Il n'y a pas émergence de conscience sans vécu, sans mémoire.
D'un point de vue informatif, la conscience est la somme de l'information exprimée à partir du code génétique et de l'information codante issue du langage et de la réalité phénoménale.
C'est l'expérience et le langage qui permettent, en complexifiant le réseau neuronal "animal", de dépasser le seuil critique de l'esprit diffus. L'enfant sauvage ne se pense pas lui-même, il n'a pas de pensée réflexive, il vit en harmonie avec la nature. Il ne détache pas son "être" de l'environnement.
L'expression des gènes issus de l'ADN durant la maturation du cerveau a créé une première organisation, celle des comportements et des schémas mentaux innés. Cette structure neuronale est primitive, instinctive, reptilienne.



Les autres couches de l'encéphale, innées également, sont maléables, adaptables, sont prêtes à recevoir de l'information, de l'expérience, à construire un réseau de neurones élaboré.





L'entropie du cerveau issu de l'expression des gênes est encore trop importante pour permettre l'organisation de la pensée du "je". Le langage de part son organisation syntaxique vient coder le cerveau, vient l'organiser, lui apporte une information structurante, de la néguentropie.
La réalité phénoménale, captée par les sens, contient également de l'information codifiante. L'apprentissage crée une multitude de liaisons synaptiques entre les neurones.
L'enfant qui va à l'école voit sa matière grise se complexifier, se structurer progressivement.
Il peut petit à petit résoudre des problèmes de plus en plus complexes (voir les expériences de Piaget sur le structuralisme).
Seule la mémoire permet l'apprentissage.
Un être vivant sans aucune mémoire recommence sans cesse des comportements instinctifs. Le code génétique "programme" des comportements de survie inconscients, des mécanismes homéostasiques de préservation des structures cellulaires. On n'apprend pas à respirer, à faire battre son coeur, ce sont des fonctions instinctives et inconscientes. Mais on apprend à parler, à marcher debout. Ce sont des comportements acquis. On apprend à compter, à tracer des droites, à formuler des pensées, à nommer des objets.
Les structures cérébrales permettant ces nouvelles possibilités ne sont pas contenues dans l'ADN.
L'homme n'est homme que grâce à sa mémoire.
Le moi, le "Je" est un concept de haut niveau, demandant une grande organisation des structures mentales.
La conscience est donc un état obtenu progressivement à partir d'un certain niveau d'organisation. Elle ne peut voir le jour qu'à partir d'une certaine quantité d'acquis venant s'ajouter à l'inné héréditaire en augmentant la complexité des connexions déjà là. Donc ne peut exister que s'il y a une mémoire dans le réseau complexe qui la supporte. Mais la conscience est plus que la mémoire, la mémoire ne suffit pas. Il faut l'action d'un langage pour se penser, pour se parler.
Les phrases parlées sont des phénomènes sensibles. Elles sont des vibrations de l'air qui entrent dans le tympan et y sont transformées en informations électriques. Ces informations électriques viennent modifier l'état du réseau neuronal et petit à petit en modifient l'organisation, y engendrent de la structuration. Il y a accroissement d'information. Il y a complexification du réseau synaptique et donc complexification de l'esprit. L'esprit devient mémoire et pensées.
De la même façon, les phénomènes perçus par les autres sens, participent à organiser la matière grise, à y engendrer des représentations, des idées, des souvenirs jusqu'à ce que le concept supérieur du moi intérieur puisse poindre.

La mémoire est l'intégration d'états antérieurs.

Le présent est un état de contemplation des sens. C'est dans le présent que se fait l'acquisition des stimuli visuels, auditifs, etc. Chaque moment qui s'écoule correspond à un changement d'état plus ou moins important de la perception qui vient remplacer l'état antérieur. C'est l'image perçue du présent qui codifie, qui structure le réseau mémoriel en lui faisant stocker de l'information sous forme de liaisons neuronales.
L'organisation synaptique se complexifie par acquisition d'informations venant des stimulis, des phénomènes observés. Le cerveau enregistre une empreinte de ce qu'il perçoit de la réalité phénoménale. Cette empreinte ne va pas se loger dans une case mais est mémorisé au niveau global. Il n'y a pas une partie du cerveau réservée au stockage.
Une nouvelle image est mémorisée partout, à la fois en partie dans des liaisons neuronales pré-existantes, dans de nouvelles connexions créées provisoirement et dans les charges électriques des neurones.

Les connexions activées fréquemment deviennent persistantes, codées en "dur", celles qui ne le sont que très rarement disparaissent.
Les souvenirs deviennent évasifs sans rafraichissement régulier.



L'image apportée par les sens est analysée sous forme structurelle, relationnelle. ce n'est pas une image numérique. La mémoire ne contient pas d'images, mais des formes associées à d'autres formes, fractionnées en relation, association, différentiation, déformation à partir de l'existant. La succession des mouvements perçus dans une apparente continuité permet de stocker des milliards d'informations en lois de mouvement naturelles déclinant les unes des autres.
On lance une pierre et on la voit retomber. On stocke son mouvement et non toutes les positions successives. Au prochain lancé le cerveau reconstituera la trajectoire par analogie. Le mécanisme de fonctionnement de l'acte de mémorisation est causal. Il engendre une vision causale du monde par analogie dans les répétitions observées. L'homme invente ainsi un langage naturel de description des mouvements, des successions d'états. L'homme généralise en recherchant des lois communes aux évènements, de la même façon que sa mémoire optimise son stockage de la succession des images perçues. Il invente ainsi les mathématiques, la causalité, car il projette nécessairement sa vision du monde induite par les principes de fonctionnement de sa mémoire.
Le cerveau stocke des formes associées à des attributs (taille, couleur, etc.) et à des émotions.


Les souvenirs ont une dimension émotionnelle. Une odeur rencontrée à nouveau réveille des émotions. L'odeur du bon pain, l'odeur des sous-bois réveillent de bons souvenirs.
Le sens donné aux nouvelles formes perçues est extrait des souvenirs et dépend de ce qu'en a retenu le système de fonctionnement mémoriel.


Le sens est une interprétation à partir d'un vécu.
L'information contenue dans une forme perçue, par exemple un message écrit, se réduit à la similitude retrouvée avec des schémas préexistants. Le fait divers, la nouveauté, la découverte sont donc des nouvelles mises en relation non déjà effectuées par le cerveau à partir des données pré-existantes stockées dans la mémoire. Mais cette nouvelle association aurait pu être vraisemblablement imaginée à partir des souvenirs. Au fur et à mesure que l'expérience grandit,
il y a de moins en moins de nouvelles données, simplement de nouvelles relations.
La créativité, l'art, les inventions sont des combinatoires générés par le cerveau qui prennent leur source dans la mémoire, en juxtaposant des concepts, des idées, non données par la réalité sensible.

Le cerveau fonctionne par reconnaissance des formes.

Le gout du bonbon sucré me rappelle ma jeunesse. L'exitation de mes papilles gustatives, leur état, est une forme. Une autre combinaison des quatre qualités classiques (sucré, salé, acide, amer) reconnues par mes papilles, associée à une texture, un parfum, une couleur représente une autre forme qui sera partiellement reconnue ou pas. Ce n'est pas n'importe quel bonbon sucré qui me rappelle ma jeunesse, c'est celui des bonbons tendres, les "Kréma" au fruits. Ce goût me rappelle le bonbon que ma soeur gagnait grâce à sa bonne conduite à la maternelle et partageait affectueusement à la récréation avec son petit frère gourmand.


Quelque part dans un recoin de ma mémoire il y a encore un peu du soleil puissant de l'Algérie qui m'a vu naître.
Mais ce souvenir est lointain, évasif. Tout est blanc. La lumière est blanche, les murs des maisons sont blancs, le sol poussiéreux est blanc. Et il y a du bonheur, de la joie insouciante, des sourires montrant de belles dents blanches. Mais les visages ne sont plus là, ni les meubles, les batiments, seuls restent cette lumière et cette impression qui génèrent en moi un peu de la mélancolie de mes toutes premières années.
Quarante ans après, combien de neurones se préoccupent encore de maintenir se souvenir en vie, partagés à d'autre tâches plus vitales ? Heureusement que le bonheur était là car il n'en resterait plus rien. La persistence des souvenirs dépend des émotions qui y sont associées.
Le souvenir chez l'homme est une sous-structure indissociable d'un réseau complexe, dont la force de persistence dépend de son rafraichissement régulier mais aussi de l'impact émotionnel que la forme a générée lors de sa première perception.
Je ne me rappelle plus de ce qui m'a laissé indifférent, ma mémoire a fait le ménage.

La mémoire est une structure, toute structure est une mémoire.
Tout est mémoire
.
Le ciel étoilé est la mémoire de l'expansion de l'univers. Il contient à la fois le rayonnement fossile des premiers instants, mais offre également le spectacle de la naissance des étoiles avec un décalage de plusieurs milliards d'années.
La neige garde les traces du gibier. Le ciel garde quelque temps la trace d 'un avion à réaction. Le calcaire celles des invertébrés des premiers instants de la vie.
Les êtres vivants ont en eux la mémoire de leur histoire
Sur les pentes d'un volcan on a retrouvé les traces de pas solidifiés d'un homme et d'une femme. Apparemment, ils s'y promenaient en se tenant la main dans la main il y a deux cent mille ans.
Le monde garde trace de tout. Certaines traces viennent en effacer d'autres ou disparaissent progressivement.
Ma peau à gardé des cicatrices, souvenirs de chute à vélo de mes premières années, ma peau est la mémoire indélibile de mes accidents.

Le présent contient le passé, il est une superposition de tous les états antérieurs.
Les états antérieurs s'évanouissent progressivement car ils sont remplacés par d'autres états qui viennent s'y superposer. Le présent est l'intégration en un seul moment de tout ce qui s'est passé.
Ma mémoire contient tout ce que j'ai vécu, avec plus ou moins de fidélité, avec plus ou moins de précision car certains de mes souvenirs qui "servent peu"ont été remplacés par d'autres partiellement. Mais tout est contenu dans l'instant présent. Toute ma structure neuronale actuelle contient des millions de stimuli vécus durant des dizaines d'années. Le passé n'est pas révolu il est intégré dans le présent. Le présent se charge de plus en plus d'informations, d'organisation, car il garde tout. Il se structure. Toute l'organisation du monde n'est que mémoire, car information sur le passé. Le code génétique garde trace de l'évolution antérieure. Les trajectoires des planètes, les ceintures d'astéroïdes s'expliquent par des évènements du passé.
Le passé n'est pas passé : il est présent dans toute organisation.
Un nombre auquel on retranche 1 donne le nombre précédent, ce qui fait que tout nombre contient en lui tous ces prédécesseurs. Les nombres sont définis par la récurrence en ajoutant 1 pour obtenir le successeur, le point de départ étant le zéro. De la même façon l'univers actuel contient son histoire depuis son origine par une forme de récurrence liée à la succession des mouvements qui l'ont fait changer d'état. C'est la superposition de tous les états antérieurs qui font du monde ce qu'il est.
La mémoire du monde est son organisation.
Seul le vide originel ne contient pas de mémoire, ne garde aucun souvenir, n'a aucune organisation. Le vide quantique ayant le maximum d'entropie, il ne contient aucune information.
L'information contenue dans l'univers actuel s'est construite petit à petit au cours du temps par l'action de la superforce. Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. Et la transformation laisse des traces à qui sait interprèter.
L' information est retransmise au cerveau humain pris en tant que récepteur et vient organiser ses pensées, contribue à l'émergence de la conscience. Le corps de l'homme est l'aboutissement de l'auto-organisation de la matière, à travers l'expression de l'ADN. La conscience de l'homme est également produite par l'organisation de la matière, mais en tant que phénomène observé.
L'homme est donc à la convergence de deux flux structurant, un pour la fabrication de son corps et un pour la fabrication de sa conscience. Plus il mémorise de formes et plus il en reconnait, donc plus le donné devient riche en informations, plus il renseigne sur son passé, plus il permet de comprendre le présent.
L'ordre est mémoire pour celui qui sait en tirer de l'information.
La forme, la structure sont de la néguentropie, donc de l'ordre opposé au hasard. Mais la forme n'est information que pour celui qui l'interprête. L'information n'existe pas sans un récepteur-interpréteur.

La conscience n'existe pas sans mémoire, et l'ordre est mémoire pour une conscience.

L'homme a sa mémoire, la planète terre a sa mémoire, l'univers a sa mémoire.
A toutes les niveaux d'organisation, il y a donc mémoire, élément nécessaire à l'émergence de la conscience.

Patrice Weisz

Aucun commentaire: