De la causalité esprit-matière...

Bonjour et bienvenue sur ce blog

Si vous refusez comme moi la nécessité scientifique d'un monde absurde ;

Si vous n'acceptez pas que le hasard soit considéré comme une cause agissante ;

Si vous tentez d'imaginer que notre monde (non restreint à l'univers observable) est causal mais que vous tenez aussi à votre libre-arbitre ;

Si vous n’aimez pas faire intervenir de façon trop triviale un Dieu à la volonté insondable pour expliquer ce qui vous échappe ;

Si ce que je vous dis ici vous parle ;

Alors soyez les bienvenus :

nous sommes sur la même longueur d'onde pour tenter d'imaginer, ensemble, autre chose réconciliant ce que nous proposent la science et la religion d'aujourd'hui dans leur opposition manichéenne.


Patrice Weisz

31-Existence et Réalité


Réalité de l'existence
ou existence de la réalité ?

Etre conscient, c'est être conscient du monde.
C'est percevoir des phénomènes en dehors de nous. Quand je me cogne dans un mur je ne peux nier l'existence du mur. La douleur est là pour me rappeler que ce n'est pas une illusion, que le mur est tangible et palpable. Que le mur existe bel et bien et qu'il faut que j'en tienne compte lors de mes déplacements. Le mur est localisé précisément dans l'espace. Mais ce mur est là, maintenant. Il est aussi localisé dans le temps. Il en est ainsi de tous les objets tangibles qui me sont donnés à percevoir par mes sens.
J'existe depuis ma naissance et mon existence prendra fin à ma mort. Il en va ainsi de tout ce qui compose le monde dans lequel je vis. Tout a une durée de vie, une durée d'existence. Le mur a été construit puis sera détruit un jour. Il a aussi une certaine durée d'existence.
L'existence du mur est constatable "objectivement", est partageable.
Ce qui existe est aussi partageable par d'autres. Tout le monde peut constater la dureté du mur.
Il n'y a rien qui me parait plus réel que ce mur cause de ma douleur momentanée. Son existence se constate par les sens, par la vue, le toucher.
Si nous étions privés de tous nos sens, pourrait-on affirmer que le mur existe ? Sans pouvoir le voir ni le toucher ? Imaginons un isolement total des sens, que nous resterait-il de notre conscience du monde ? Pas grand chose. Sans toucher, sans vue, sans ouie, sans odorat, que resterait-il du monde ? Comment constater alors ce qui existe, comment l'appréhender ?
Peut-on encore dire que quelque chose existe si on ne peut pas le percevoir, l'observer, d'une façon ou d'une autre ?
Ce pourrait-il aussi que des "choses" échappent à nos sens, ou que nos sens ne nous permettent que de percevoir une toute petite partie du monde ? Et peut-on trouver une quelconque nécessité dans nos sens à nous retranscrire tout ce qui appartient au monde ? Ou a nous retranscrire le monde tel qu'il est ?
Et si nos sens nous jouaient des tours ou que l'apparence de ce qui nous entoure dépendait de la particularité humaine de nos sens ? Je vois le mur d'une certaine couleur parce que mes yeux interprètent la longueur d'onde de la lumière qu'il réfléchit comme étant une couleur donnée. Si mon oeil attribuait une autre couleur à cette fréquence lumineuse particulière, sans aucun doute je verrais le mur différemment.
Les propriétés des objets sont ainsi dépendantes des spécificités des sens. C'est pour cela que l'on parle de phénomène, car ce qui nous apparait exister dépend de notre façon de percevoir.
Les phénomènes existent dans l'espace et dans le temps : ils sont des observations mesurables.
L'oeil est beaucoup plus affiné dans le vert que dans le rouge : l'oeil humain distingue beaucoup plus de nuances de verts que de rouges. Et la nature à l'état sauvage contient ces nuances dans les mêmes proportions. Le rouge se rencontre peu dans la nature et jamais sur de grandes étendues. Le manque de nuances que nous avons dans le rouge n'est pas pénalisant pour distinguer les contours d'un relief, par contre les nuances de vert sont nécessaires pour interpréter la constitution d'une forêt, pour y percevoir ses détails.
Il n'y a rien d'objectif et d'indépendant de nous qui soit observable, il n'y a que des phénomènes observables. Ce que l'on voit dépend de la "réponse" en fréquence de notre oeil, de sa constitution. Et on ne peut pas percevoir autre chose qu'une information transmise par nos sens.
L'oreille humaine n'est pas non plus linéaire : quand un son double de volume, la perception qu'on en a ne croit que de 3 décibels. La courbe de notre perception sonore croit beaucoup plus doucement que l'augmentation de volume. C'est une courbe logarithmique. L'oreille ne perçoit pas les sons en-dessus de 20.000 hz. Elle ne perçoit pas les ultra-sons. L'oreille du chien monte au moins jusqu'à 40.000 hz.
Les sens humains sont limités et donc ne nous montrent qu'une petite partie du monde en la déformant
, en faussant ses proportions.
L'homme a construit des appareils permettant de capter des phénomènes en dehors de notre champ d'investigation possible et qui, par un système de translation, remettent ces phénomènes dans notre "fenêtre observable". Microscopes, téléscopes, capteurs de rayons X, et autres appareils divers et variés viennent agrandir notre fenêtre d'observation du monde. Mais cette fenetre reste néanmoins limitée par la technologie.
Le monde physique mesurable ou enregistrable a des limites qui sont liées à la constitution même de l'univers. Aussi loin que puisse aller le progrès technologique, la physique quantique a montré les barrières infranchissables constitutives de ce monde. Il y a une plus petit longueur mesurable, un plus petit temps insécable, une plus petite valeur d'énergie non divisable. Ce qui se cache derrière cette "pixelisation" de l'observable ne nous est pas connaissable même par les instruments les plus élaborés. Pour autant peut-on dire qu'il n'y a rien, sous prétexte qu'il nous est impossible d'y voir quelque chose ?
Notre entendement a lui aussi ses limites dans l'interprétation des phénomènes : il ne peut pas interpréter ce qu'il ne peut pas concevoir, imaginer ou relier à quelque chose de tangible. On ne peut qu'interpréter que ce qui fait sens, ce qui dénote d'une régularité, d'une forme particulière identifiable. On ne peut qu'interpréter par analogie avec quelque chose de déjà connu.
Quelque chose de totalement nouveau ou de totalement irrégulier ne peut être expliqué, n'est même pas signifiant, nous laisse indifférent : on passe à côté car cela ne nous parle pas.
On ne peut également pas observer l'en-dehors du temps, l'en-dehors de l'espace tri-dimensionnel. S'il y a d'autres dimensions elles nous sont inconnaissables. Mais pourquoi la richesse du monde serait limitée aux trois dimensions que nous en percevons ? Pourquoi l'univers serait restreint à cette fenêtre spatio-temporelle dans laquelle on vit ? Peut-on dire alors qu'il n'y a rien au-delà car on ne peut en faire d'observations ?
Doit-on restreindre le verbe exister à ce qui est localisable dans l'espace-temps et considérer que ce qui est en dehors de celui-ci n'existe pas ? Et si on le fait, n'est-il pas abusif de considérer qu'en dehors de ce qui existe il n'y a rien ? Et comment alors parler des phénomènes en dehors de notres sphère de causalité ? Ils ne sont pas observables par définition car rien ne nous relie causalement à eux. Et pourtant ce n'est qu'une question de distance liée à la vitesse de la lumière car ils sont destinés à faire partie de notre univers dans le futur, quand notre sphère de causalité aura grandie. Donc ils n'existent pas encore pour nous, mais ils sont pourtant déjà là ! Ils n'existent pas mais ils sont.

Une super novae explose dans l'horizon lointain. Son image ne nous parviendra que demain. Aujourd'hui elle n'existe pas mais demain elle existera car on la verra. Elle est pourtant bien réelle et non observable. Et sa réalité se traduira par le phénomène qui sera perceptible demain. Aujourd'hui, elle ne fait pas partie de notre univers causal et demain elle y entrera.
Le monde ne se limite donc pas à ce qui existe dans notre espace-temps.
Le monde ne se limite pas à ce que l'on peut observer.

Si je perds tous mes sens que me reste-t-il alors comme phénomène observable ?
Celui de ma conscience intérieure. La perception de ma propre conscience n'est pas assujettie à la particularité de mes sens. Elle peut s'en affranchir. Si je ne jouis plus de mes sens, alors le mur n'existe plus pour moi. Donc finalement, est-il bien réel ? La perception de son existence dépend de l'étendue de mes sens. Par contre cela ne change rien pour ma propre conscience. Ma conscience est bien là sans doute possible.
C'est en cela que la conscience est plus réelle que les phénomènes extérieurs. Je peux toujours douter de la fidélité de mes sens à me retranscrire mon en-dehors mais je ne peux douter de mon en-dedans.
Ce qui est le plus réel pour moi n'est, par contre, pas observable pour les autres. L'existence de ma conscience intérieure peut être plus facilement mise en doute par quelqu'un d'autre. L'existence du non-observable est plus facilement discutable que celle de l'observable.
Il n'est en effet pas facile de soutenir l'existence de ce que l'on ne peut pas montrer ni faire toucher à autrui. Ce n'est pas pour autant que cela n'est pas réel.
Je peux imaginer être le seul être doué de conscience car je ne peux observer directement aucune autre conscience chez un autre. Et cet autre peut tenir le même raisonnement à mon encontre. Je ne peux soumettre ma conscience à la perception de ses sens et lui non plus.
Je peux imaginer tout aussi bien que j'ai rêvé m'être cogné dans un mur, et que je vais bientôt me réveiller. Je peux même imaginer que le monde est un rêve. Mais je ne peux imaginer que ma conscience est un rêve, qu'elle ne soit pas réelle. Car il faut que ma conscience soit là pour me permettre d'imaginer, pour me permettre de rêver. Ma conscience n'existe pas au sens où elle n'est pas une perception des sens ni un observable ; elle n'est pas un phénomène physique mais elle est bel et bien là sans doute possible.
Le monde observable est donc dans un sens moins réel que ma conscience, car pourrait être, à l'extrême limite, imaginé par celle-ci et est, en tout cas, perverti par la particularité de la perception humaine.

Notre monde, dans sa version restreinte, c'est l'ensemble de tout ce qui existe, donc c'est l'ensemble des phénomènes observables. Pourtant il ne parait pas abusif de dire que cela correspond à quelque chose de tangible, de non imaginé.
Néanmoins la nature des phénomènes observés est uniquement fondée par la particularité de nos sens, et donc dépend de celle-ci.
Mais derrière ces apparences, il se cache nécessairement quelque chose, cause de l'existence de phénomènes observables. S'il y a phénomène, c'est qu'il y a nécessairement quelque chose qui le produit. Un phénomène ne peut exister sans cause, car le phénomène n'est que l'information issue de quelque chose et perçue par les sens. Une information nécessite un émetteur d'où elle provient. Donc il y a un émetteur au phénomène observé. S'il y a couleur, il y a couleur de quelque chose, s'il y a rayonnement, il y a rayonnement de quelque chose. Le phénomène est phénomène de quelque chose.
Chaque système de perception "voit" des phénomènes différents, mais tous sont nécessairement la partie observable d'un même quelque chose.
Les mouches ne voient pas comme nous, les chauve-souris, les daltoniens non plus ; pour autant on se cogne dans les mêmes murs. Et le mur est là même si je ferme les yeux en marchant. Donc il y a quelque chose de bien réel dans ce mur là. Il fait partie de la réalité, alors que peut-être sa couleur, elle, n'est que phénoménale, et peut varier d'une perception à l'autre.
Si je le vois rouge pour autant peut-on dire que sa couleur rouge existe ? La chauve-souris ne voit pas en couleur avec son sonar, mais elle verra la dureté grâce au type de réflexion des ondes que le mur réfléchit, ce que mon oeil ne peut voir.
La réalité du mur ne nous est pas directement accessible, car on n'en perçoit que son existence phénoménale. Et nos sens sont limités. La réalité est invisible, inobservable directement. Seules certaines informations partielles et déformées par nos sens nous en parviennent.
Les forces de la nature sont invisibles, nous n'en percevons que les effets. Je ne peux toucher ni voir le champ magnétique terrestre, ni le champ gravitationnel. Et pourtant ils sont bien réels.
La réalité du monde ne nous est pas accessible par les sens, n'est pas observable et la réalité de notre conscience non plus. La physique tente de décrire la réalité mathématiquement mais ne peut l'observer.
Nos sens ne nous donnent aucune connaissance directe de la réalité du monde. Ils nous en donnent quelques informations partielles sous forme de phénomènes. Mais rien ne dit que tout ce qui forme la réalité soit transcrit en phénomènes observables par l'homme.
Pourquoi le monde serait limité à ce que les hommes peuvent en percevoir ? N'est-ce même pas une contradiction logique qui introduirait la finitude du monde afin de le circonscrire à l'entendement humain ? A partir du moment où l'on se met d'accord pour dire que le monde est infini, alors il ne peut être limité à un système de perception et t'entendement.
Il y a donc des pans de réalités non observables, dont on ne peut soupçonner qu'ils soient là, car n'existant pas phénoménalement.
Mais si on limite ce qui existe aux phénomènes, alors la réalité n'existe pas, bien que cause "productrice" des phénomènes. La réalité est alors là en dehors de toute existence.
La réalité n'existe pas : elle est simplement réelle.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Mes maigres connaissances me permettent de supposer que la lumière solaire et la pluie préexistaient sur la terre avant l’apparition de la vie.
Et l’arc en ciel ?
S’il n’y avait aucune rétine adaptée à son observation, l’arc en ciel n’existait pas puisque un’Arc en ciel ne se manifeste que dans l’œil arrondi de l’observateur..
Je suis seul dans un pré, j’observe un arc en ciel et une vache.
Si je ferme les yeux, l’arc en ciel n’a plus aucune existence, alors que la vache si..
Si j’ouvre les yeux, je fait réapparaître sa beautée.
qui peut m’émouvoir.
Un phénomène qui ne prend existence que chez l’observateur !
Vais-je devoir expliquer à mes enfants que l’arc en ciel n’est pas réel ?
Ou qu’il est une trace du réèl.à eux destinée ?

Paul